| Commerce mondial : vers une nouvelle carte des exportations |
Alors que les relations
économiques entre la Chine et les États-Unis ne cessent de se détériorer, les
projections de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) révèlent un
bouleversement profond des échanges commerciaux mondiaux. À mesure que les deux
géants économiques se détachent l’un de l’autre, un redéploiement massif des
flux commerciaux s’opère, redéfinissant les alliances économiques et les
marchés cibles.
Le dernier rapport de l’OMC,
publié le 16 avril, alerte sur une chute vertigineuse des échanges de biens
entre la Chine et les États-Unis en 2025 : un effondrement estimé à 81 %, voire
à 91 % en l’absence des récentes exemptions tarifaires américaines sur certains
produits stratégiques comme les smartphones. Face à ce recul brutal, la Chine
redirigerait une part importante de ses exportations vers l’Europe, avec une
hausse estimée à 6 %.
Mais l’Europe, également prise
pour cible par les politiques tarifaires américaines — avec des droits de
douane allant jusqu’à 25 % sur les voitures, l’acier ou encore l’aluminium, et
10 % sur plusieurs autres produits —, se voit contrainte de chercher, elle
aussi, de nouveaux débouchés. Le glissement des échanges ne s'opère donc pas à
sens unique : certaines exportations européennes, affectées par les barrières
américaines, pourraient elles aussi être redéployées vers d'autres régions du
globe.
L’économiste en chef de l’OMC,
Ralph Ossa, souligne les risques d’un effet domino : les tensions bilatérales
pourraient aisément contaminer d’autres secteurs et régions, renforçant la
fragmentation des circuits commerciaux mondiaux. Les tarifs punitifs — jusqu’à
145 % sur les produits chinois exportés vers les États-Unis et 125 % sur les
exportations américaines vers la Chine — illustrent bien cette escalade.
À l’échelle globale, les
perspectives sont moroses. L’OMC prévoit une baisse de 0,2 % du volume du
commerce mondial de marchandises en 2025, un chiffre en net recul par rapport
aux précédentes prévisions. Dans ce contexte, la directrice générale de l’OMC,
Ngozi Okonjo-Iweala, appelle à tirer des enseignements des crises successives.
Elle rappelle combien la pandémie de COVID-19 a mis en lumière l’importance de
diversifier non seulement les chaînes d’approvisionnement, mais aussi les
marchés de consommation.
La trop grande concentration des
échanges vers certaines économies ou régions crée des vulnérabilités
systémiques, expose les pays à des chocs brutaux et alimente un sentiment
croissant d’injustice économique. Au-delà des conséquences commerciales
immédiates, le découplage sino-américain laisse entrevoir un monde structuré
autour de blocs économiques rivaux, cloisonnés par des lignes de fracture
géopolitiques.
Selon les estimations de l’OMC, cette division pourrait à long terme coûter près de 7 % du PIB mondial. Un signal fort que les tensions actuelles dépassent le cadre des simples relations bilatérales : elles redéfinissent l’ordre économique mondial.